Démarche scientifique : démarche d'investigation

3. La démarche d'investigation scientifique en mathématiques
En mathématiques, la dimension expérimentale se caractérise par un va-et-vient entre un travail avec les objets que l'on essaie de définir et l'élaboration et/ou la mise à l'épreuve d'une théorie visant à rendre compte des propriétés de ces objets. La recherche et l'organisation par l'enseignant d'une situation, qui comporte des objets suffisamment familiers aux élèves pour qu'ils puissent s'engager dans l'action, émettre des conjectures et en débattre, sont des tâches délicates. Cette situation d'apprentissage doit favoriser la mobilisation d'outils (élaboration de conjectures, règles, d'objets, mise en relation de propriétés, changements de registres etc.) permettant un traitement mathématique dont les résultats pourront être confrontés aux résultats des actions sur les objets (Dias 2004).
Un exemple classique est celui du puzzle (Brousseau 1998) : il s'agit d'agrandir un puzzle dont un modèle est donné, tel que le côté qui mesure 4cm sur le modèle, mesure 7cm sur le puzzle agrandi. Les élèves (fin d'école primaire) travaillent en petits groupes et le fait qu'une procédure additive ne permet pas de reconstituer le puzzle les incite à émettre de nouvelles conjectures et à mettre en œuvre des actions pour tester ces conjectures. Dans cette situation, le problème de l'agrandissement met en jeu la conservation des angles (aspect géométrique), la proportionnalité des mesures des longueurs (aspect numérique) et est lié au théorème de Thalès, aux concepts d'homothétie et de similitude.
Certains problèmes favorisent particulièrement une démarche scientifique qui consiste à expérimenter, conjecturer, prouver. La première phase qui est faite d'essais, d'erreurs, de tâtonnements, donne l'occasion à tous les élèves de produire un écrit suivi par une recherche de preuve plus ou moins approfondie. La démonstration formelle étant un objectif second, c'est la recherche qui est privilégiée dans cette approche, à savoir : à partir de quelques exemples, émettre des conjectures, les tester, puis les infirmer ou les prouver.
Cette démarche a été souvent mise en œuvre, dans un premier temps, dans l’enseignement de la géométrie. Plus récemment, plusieurs équipes, dont celle de l’IREM de Montpellier (groupe résolution de problèmes), ont pour objectif commun de concevoir et d’élaborer des ressources pour les enseignants dans la perspective d’un développement significatif de la résolution de problèmes de recherche, comme moteur des apprentissages mathématiques au niveau primaire secondaire et universitaire (http-Educmath) .
Cette démarche peut être mise en œuvre avec la pratique des narrations de recherche qui vise à développer l'analyse réflexive chez les élèves et dans la résolution de problèmes , à condition qu'ils soient suffisamment complexes pour inciter les élèves au débat scientifique et au travail collaboratif .
L’organisation d’un débat scientifique en cours de mathématique (Legrand 1993) peut être considérée comme une première étape pour créer une petite communauté scientifique dans laquelle les élèves vont émettre des conjectures et analyser la pertinence et la validité des énoncés et des preuves qui leur sont proposés. L’objectif est de favoriser la création, mais aussi le doute chez les élèves, de leur faire prendre conscience que l’apprentissage scientifique comporte des phases de désordre et de contradiction qui peuvent devenir source d’une meilleure compréhension. Cette démarche est exploitée par Marc Legrand dans le domaine de l’analyse (introduction des inégalités, approximations et passage à la limite). Un résumé de cet article peut être consulté sur le site Publimath (http-Publimath) .

Références
Aldon G. (1997), Développer la recherche scientifique à travers l'étude de situations mathématiques, IREM, Université Lyon 1.
Brousseau G. (1998), Théorie des situations didactiques, La Pensée Sauvage, Grenoble.
Dias T. (2004), Recours à l'expérimentation dans la construction des mathématiques, Mémoire de DEA, Université Lyon 1, Lyon.
Dias T., Durand-Guerrier V. (2005), Expérimenter pour apprendre en mathématiques, Repères-IREM, 60, 61-78. TOPIQUES éditions, Metz.
Legrand M. (1993), Débat scientifique en cours de mathématique et spécificité de l'analyse, Repères-IREM, 10, 123-158. TOPIQUES éditions, Pont à Mousson.
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