Narration de recherche
Narration de recherche

Genèse des narrations de recherche

Cette pratique est apparue à l’IREM de Montpellier (http://www.irem.univ-montp2.fr/) , au sein du Groupe Géométrie dirigé par Gérard Audibert, à la fin des années quatre-vingts. A la suite de travaux de recherche où des élèves étaient observés individuellement lors de la résolution de problèmes, il est apparu qu’ils faisaient souvent preuve d’une grande ingéniosité, mettant en œuvre de nombreuses stratégies.
Des questions se sont alors posées aux animateurs pour leur propre pratique en classe :
  • Comment motiver leurs élèves ?
  • Comment avoir accès à cette phase de recherche qui pouvait être si riche et qui leur échappait ?
  • Comment pratiquer une observation individuelle de chacun d’eux ?
C’est Arlette Chevalier qui, la première, a eu l’idée de demander à ses élèves de ne pas se contenter de la rédaction de la solution d’un problème mais de raconter toutes les étapes de leur recherche, de façon chronologique, avec le plus de précision possible. Cette nouvelle pratique a été reprise par tous les professeurs du Groupe Géométrie et nommée narration de recherche. Depuis elle a été régulièrement utilisée par de nombreux professeurs dans des classes de collège, de lycée, parfois même au cours moyen à l’école élémentaire et dans l'enseignement supérieur.
Nous en donnerons la définition suivante :
Une narration de recherche est l’exposé détaillé, écrit par l’élève lui-même de la suite des activités qu’il met en œuvre lors de la recherche des solutions d’un problème.

Un nouveau contrat
Un nouveau contrat s’établit entre l’enseignant et les élèves. Ils s’engagent à raconter très sincèrement toutes les étapes de leur recherche, leurs essais, leurs erreurs, leurs changements de stratégie, en échange l’enseignant porte son jugement sur la persévérance, l’ingéniosité de leur recherche, sans privilégier la solution. Ce contrat peut changer suivant le niveau de la classe et évoluer au sein d’une même classe tout au long de l’année suivant les objectifs poursuivis.
Les objectifs des narrations de recherche
Dans un premier temps, on donne aux élèves un nouvel outil de communication, qui est un espace de liberté, où ils peuvent narrer dans un langage naturel, moins codifié et contraignant que le langage mathématique, leurs travaux de recherche. L’élève montre à l’enseignant son travail, ses efforts, même s’ils n’ont pas abouti à des solutions acceptables.
Ce nouveau mode de communication permet de placer les élèves dans des situations de recherche motivantes, à travers des énoncés de problèmes difficiles et intéressants. On retiendra surtout le climat de confiance et de sincérité, qui peu à peu s’instaure dans les classes à travers le nouveau contrat établi entre les élèves et l’enseignant.
A plus long terme, un travail sur la démarche scientifique, le raisonnement, les méthodes de recherche se met en place. Si l'on peut se contenter de demander à un élève des premières années du collège un simple récit linéaire de sa recherche, par la suite on doit susciter et attendre, dans leurs écrits, une réflexion des élèves sur leurs pratiques et leurs modes de raisonnement.
Par ce fait, la représentation que l'élève a de lui-même comme mathématicien s'en trouve modifiée, car l'effort de recherche est plus valorisé que l'obtention des solutions.

La mise en œuvre des narrations de recherche

La narration de recherche reste, en général, un devoir donné à faire à la maison. Cependant, cet exercice nouveau n'est pas facile à exécuter. Sa qualité dépend de celle du récit que l'élève fait de son travail, c'est pourquoi, il est important d'insister sur cet aspect narratif lors des premiers devoirs. D'ailleurs, il est intéressant de faire réaliser la première narration en classe, car les interventions orales du professeur permettent l'obtention plus rapide de récits satisfaisants pour l'analyse de la recherche.

Pour la mise en œuvre de cette pratique, quatre éléments sont essentiels : le choix des énoncés, les consignes données aux élèves, la correction des copies et le compte rendu en classe.

Les énoncés : ils ne donnent pas la réponse, ni le cheminement pour y arriver. Ils piquent la curiosité de l'élève et provoquent une recherche motivante. D'un démarrage facile par des dessins, des essais numériques, etc. Ces problèmes se trouvent dans un champ de connaissances où l'élève peut toujours vérifier ses conjectures.

Les consignes : elles sont données en début de devoir de la forme suivante : " Essaie de raconter les différentes étapes de ta recherche, les remarques, les erreurs, les observations que tu as pu faire, toutes les pistes que tu as essayées même si elles n'ont pas abouti ". Ces consignes sont évolutives pour amener progressivement les élèves à développer des argumentations et justifier leurs réponses.

La correction : elle porte d'une part sur les qualités du récit, c'est-à-dire l'aspect narratif du devoir et d'autre part sur la recherche proprement dite. Une bonne narration décrit avec précision toutes les étapes du travail de recherche en respectant l'ordre chronologique. L'élève se livre, s'implique personnellement, analysant ses divers raisonnements. Lorsque l'aspect narratif est satisfaisant, le correcteur va centrer son travail sur la recherche. Il s'agit d'apprécier et d'encourager une démarche scientifique : essais de diverses pistes, vérifications, élaboration d'argumentations, cohérence dans les raisonnements etc. Il est essentiel que le correcteur apprécie surtout l'ingéniosité, la persévérance de l'activité de recherche sans donner la priorité à la solution proposée.

Le compte rendu en classe : c'est un moment très important. En relisant quelques "bons passages" les élèves s'imprègnent des qualités attendues d'une narration de recherche. Ces séances donnent lieu à des débats sur les différentes stratégies recensées dans les devoirs et la forme de leur exposé. Elles permettent de valoriser les élèves en difficulté ; citant leurs stratégies, le professeur leur fait prendre conscience de leurs réelles possibilités et de leurs capacités de recherche. Ils prennent alors confiance en eux et leur attitude vis-à-vis des mathématiques s'en trouve modifiée.

Références
Bonafé F., Chevalier A., Combes M.-C., Deville A., Dray L., Robert J.-P., Sauter M. (2002), Les Narrations de recherche de l'école primaire au lycée, Bulletin de l'APMEP, 151. Association des Professeurs de Mathématiques de l'Enseignement Public (APMEP), Paris.
Bonafé F. (1993), Les narrations de recherche, Repères-IREM, 12, 5-14. TOPIQUES éditions, Pont à Mousson.
Chevalier A. (1992), Devoir : les narrations de recherche, La feuille à problème, 43. IREM, Université Lyon I.
Chevalier A. (1992), Narration de recherche : un nouveau type d’exercice scolaire, Petit x, 33, 71-79. IREM de Grenoble, Grenoble.
Chevalier A., Sauter M. (1993), Narration de recherche, IREM, Université Montpellier II.
Païs L.C. (1991), Représentation des corps ronds dans l’enseignement de la géométrie au Collège, Thèse de Doctorat, IREM, Université Montpellier II.
Sauter M. (1998), Narrations de recherche : une nouvelle pratique pédagogique, Repères-IREM, 30, 9-21. TOPIQUES éditions, Pont à Mousson.
Sauter M. (2000), Formation de l’esprit scientifique par les narrations de recherche au collège, Repères-IREM, 39, 7-20. TOPIQUES éditions, Metz.
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