Conception dans l'usage
Conception dans l'usage

Pour aborder les problèmes relatifs à la conception d'outils ou de dispositifs techniques, l'approche théorique dite " instrumentale " développée en ergonomie cognitive et didactique professionnelle (formation d'adultes) est centrale (Rabardel & Pastré 2005). Elle repose sur l'idée fondamentale que tout outil créé par l'homme demeure un artefact (c'est-à-dire un objet neutre) tant qu'il n'a pas été assimilé par l'acteur qui va l'utiliser. Il ne devient véritablement un instrument qu'une fois incorporé à l'organisation de l'activité de cet acteur : un instrument n'existe donc pas a priori, il est construit, à partir de l'artefact, par l'utilisateur quand celui-ci se l'est approprié et l'a intégré dans son activité pour réaliser un type de tâches donné.
Dans ce contexte, la conception ne s'arrête pas à l'activité du concepteur, elle se poursuit dans l'activité des utilisateurs : c'est la thèse de la conception continuée ou conception dans l'usage qui non seulement prolonge l'activité du concepteur, mais en réalise une partie. La conception d'instruments apparaît ainsi comme une activité distribuée entre concepteurs et usagers (Béguin & Rabardel 2000). C'est un processus dans lequel se produit un apprentissage mutuel : les concepteurs apprennent des utilisateurs, les utilisateurs apprennent des concepteurs dans une confrontation de leurs points de vue.
Concevoir, c'est donc mettre en place un processus d'apprentissage mutuel dans lequel les hypothèses des uns, résultats provisoires de leur travail seront confrontées, mises à l'épreuve et le plus souvent modifiées par l'activité des autres. L'artefact n'est qu'une hypothèse de travail et l'appropriation par l'usager une source de nouveauté potentielle. Confronter l'artefact au monde des usagers, c'est amener les concepteurs à un retour réflexif qu'il faut outiller. D'une position implicite initiale où bon gré, mal gré, l'artefact des concepteurs commandait les pratiques des usagers, l'on est passé à une démarche où il s'agit d'aider les usagers à construire leurs propres manières de voir et d'agir. Cette approche inscrit donc dans une même logique la créativité et l'inventivité des concepteurs et celles des usagers. (Béguin p 31, in Rabardel & Pastré 2005).

Références
Béguin P., & Rabardel P. (2000), Concevoir pour les activités instrumentées. Interactions homme-système, perspectives et recherches psycho-ergonomiques , Revue d'Intelligence artificielle , 14(1/2), 35-54.
Rabardel P., Pastré P. (2005), Modèles du sujet pour la conception. Dialectiques activités développement, Octarès, Toulouse.
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