Communauté de pratique
Communauté de pratique
Une communauté est, à l’origine, une entité sociale constituée à partir d’un lien particulier entre ses membres, basée donc sur une dimension relationnelle.
Le concept, plus précis, de communauté de pratique (Lave & Wenger 1991) s’est développé à la suite d’études sur l’organisation des relations en milieu de travail (dans des communautés diverses : de sages-femmes, de tailleurs, d’apprentis, etc.). L’apprentissage d’un individu a pour objectif l’amélioration de ses compétences dans son milieu de vie professionnel et social. Cet apprentissage est donc considéré comme inséparable et partie intégrante de la pratique sociale : il se situe dans le contexte de l’expérience acquise dans la participation à la communauté et l’action.
Cette théorie a été formalisée par Wenger (1998), elle s'inscrit dans une évolution profonde des théories de l’apprentissage dans les environnements informatisés, d’un point de vue technocentré vers un point de vue anthropocentré, d’un point de vue individuel à un point de vue social. Dans cette approche, l’apprenant est considéré comme appartenant à une communauté interne à une structure de travail. Cette communauté de pratique se caractérise avant tout par sa dimension psychologique forte, c’est-à-dire par le fort sentiment d’appartenance de ses membres. Plus précisément, une communauté de pratique a trois caractéristiques, participation, réification et répertoire partagé.
Wenger considère la participation (« prendre part à ») comme un engagement actif dans une entreprise collective : elle suppose donc, pour les individus concernés, un engagement mutuel qui peut être négocié et donner lieu à une charte.
La réification est un processus par lequel une abstraction, liée à l’expérience, prend forme d’objet concrètement identifiable. Pour Wenger, c’est ainsi une deuxième caractéristique des communautés de pratique de produire des outils, symboles, histoires, termes et concepts qui réifient quelque chose de leur pratique sous une forme concrète. Ce processus de réification structure l’expérience de la communauté, alimente sa pratique avec des objets partagés qui sont réutilisés par ses membres dans l’exercice de leur travail.
La troisième caractéristique des communautés de pratique est l’existence d’un répertoire partagé, constitué par les résultats des processus de participation et de réification. Ces productions ainsi réifiées et constituées sous forme d’un répertoire partagé sont utiles non seulement parce qu’elles servent de traces à l’histoire de l’engagement mutuel au sein de la communauté de pratique mais également parce qu’elles peuvent être ré-utilisées dans de nouvelles situations et peuvent aussi servir à la fabrication de significations nouvelles.
Ces trois caractéristiques ne sont pas naturellement réunies dans un regroupement, ou une communauté, professionnel(le). En particulier, dans les établissements scolaires, les enseignants d’une même discipline, comme dans un stage, les enseignants réunis dans un même objectif de formation, ne constituent pas, en général, une communauté de pratique (même si des effets de mode aboutissent à un usage non justifié de cette expression). Les pratiques professionnelles des enseignants, en France, restent encore très individuelles. On peut cependant distinguer des signes d’émergence de communautés de pratique : l’existence d’un travail collaboratif semble en être à chaque fois un levier important (SFoDEM, Mathenpoche par exemple). Une communauté de pratique, en général, ne se développe pas spontanément, elle s’entretient (voir encadré ci dessous).L’encyclopédie en ligne Wikipedia (http-Wikipedia) fournit des liens et des références pour approfondir ce concept. L’équipe TACT (http-TACT) de l’Université de Laval (Canada) fournit aussi des ressources utiles, dans le cas particulier des communautés de pratique en réseau.
Boulle R. (2004), Approche instrumentale dans la formation continue et à distance des professeurs de mathématiques, mémoire DEA, Université Montpellier II.
Pour les entreprises d'aujourd'hui les professionnels, les travailleurs intellectuels et les techniciens sont une ressource précieuse et stratégique qui doit être mise à jour régulièrement. Mais il apparaît que cette mise à jour ne peut être confiée simplement à des formateurs externes puisque, chacun dans leur domaine, les grandes entreprises et institutions sont non seulement producteurs de biens et services mais elles produisent aussi des connaissances qui sont utilisées dans leurs activités respectives. Ces connaissances sont définies dans des contextes de pratiques, des contextes historiques, avec des dimensions tacites liées aux outils, aux milieux, aux clientèles etc.
Aussi le contenu de cette formation continue ne peut-il reposer que sur les producteurs et praticiens eux-mêmes (avec l'aide, éventuellement, de ressources externes), pris collectivement en tant que dépositaires des savoirs mis en oeuvre dans leur secteur. C'est ce que l'on appelle les communautés de pratique (CoP).

CoP et théorie sociale de l'apprentissage
Les communautés de pratique peuvent exister sous plusieurs formes : internes à une organisation ou communes à tout un secteur, localisées dans un établissement, ou étendues sur un large territoire, certaines sont homogènes et ne regroupent que des individus ayant une même formation ou activité professionnelles, alors que d'autres peuvent rassembler tous les individus concernés par un intérêt commun.
Dans le cas du SFoDEM, il s'agirait d'une impulsion à créer et entretenir une communauté de pratique homogène. Nous appellerons, avec Wenger, communauté de pratique un groupe de personnes qui partage une préoccupation, un ensemble de problèmes ou une passion sur un sujet donné, et qui approfondit sa connaissance et son expertise dans ce domaine en interagissant de manière continue et prolongée. Une communauté de pratique ce n'est pas qu'un site web, une base de données et un répertoire des meilleures pratiques. C'est un groupe qui interagit, apprend ensemble, construit des relations et à travers cela développe un sentiment d'appartenance et de mutuel engagement.
Wenger défend un point de vue où la pratique se confond avec l'apprentissage et qu'il intitule théorie sociale de l'apprentissage. Trois dimensions permettent, selon lui, de caractériser le type de relation qui fait qu'une pratique constitue la source de cohérence d'une communauté.
1. L'engagement mutuel : des relations mutuelles soutenues (qu'elles soient harmonieuses ou conflictuelles) ; des manières communes de s'engager à faire des choses ensemble ; l'absence de préambules introductifs dans les conversations, comme si les interactions formaient un processus continu dans le temps ; savoir ce que les autres savent, ce qu'ils peuvent faire, et comment ils peuvent contribuer à l'action collective ; un jargon, des raccourcis dans la communication, des histoires partagées, des plaisanteries internes au groupe, un discours partagé qui reflète une certaine façon de voir le monde ;
2. Une entreprise commune : l'entreprise commune est le résultat d'un processus collectif permanent de négociation qui reflète la complexité de la dynamique de l'engagement mutuel. Selon Wenger, l'entreprise commune ne se limite pas à la définition d'un objectif, mais recouvre en fait davantage les actions collectives dans ce qu'elles ont d'immédiat.
3. Un répertoire partagé : au cours du temps, l'engagement au sein d'une pratique commune crée des ressources. Ces ressources forment le répertoire partagé d'une communauté qui inclut des supports physiques, des routines, des outils, des procédures, des histoires, des gestes, des concepts que la communauté a créés ou adoptés au cours de son existence et qui sont devenus peu à peu partie intégrante de sa pratique.


Entretenir une CoP
Au même titre que le travail collaboratif ne semble pas se décréter, il semble que l'on ne puisse pas instaurer une communauté de pratique en réunissant des individus même s'ils ont les mêmes objectifs. On ne pourrait donc qu'impulser, encadrer une CoP. Nous rappelons ci-dessous les sept principes permettant d'entretenir et de faire vivre une CoP […].
1. Accompagner la croissance d'une manière organique plutôt que de concevoir un plan détaillé et l'implanter.
2. Ouvrir un dialogue entre l'intérieur et l'extérieur de la communauté pour éviter que celle-ci ne se referme sur ses réseaux sociaux.
3. Favoriser différents niveaux de participation. Tous les membres de la communauté n'ont pas le même niveau d'engagement et celui-ci peut évoluer dans le temps ou en fonction des thèmes.
4. Développer à la fois des espaces publics et privés au sein de la communauté.
5. Souligner la valeur ajoutée apportée par la CoP. Les communautés de pratique se développent parce qu'elles sont des sources d'enrichissement pour leurs membres.
6. Combiner la sécurité d'un travail régulier et la stimulation que procure un travail particulier. Les CoP doivent être des endroits neutres où la pression de l'institution n'a pas sa place, où l'on peut arriver sans prévenir, poser des questions naïves ou encore donner des réponses, des idées, sans craindre d'être attaché à leur mise en oeuvre.
7. Avoir du rythme. Une communauté vivante trouvera son rythme fait de rencontres, d'activités sur le site web, de déjeuners thématiques et de rencontres semi-privées etc. Un rythme qui évoluera avec les étapes de la vie de la communauté.
Références
Lave J., Wenger E. (1991), Situated Learning: Legitimate Peripheral Participation , University Press, Cambridge .
Wenger E. (1998), Communities of practice : learning, meaning and identity, University Press, Cambridge.
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